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Pensée radicale

Pensée radicale

Une pensée radicale est une pensée allant jusqu'aux racines des problèmes afin de résoudre ceux-ci


LA FORMATION DE LA CLASSE OUVRIÈRE ANGLAISE - E. P. THOMPSON

Publié par C. Paris sur 19 Janvier 2014, 09:18am

Catégories : #Histoire

LA FORMATION DE LA CLASSE OUVRIÈRE ANGLAISE - E. P. THOMPSON

Commentaire de mise à jour : Un ouvrage encore trop marxiste à notre goût, mais néanmoins très intéressant. Nous avons enrichi l'article d'un extrait monumental de l'ouvrage, en pièce-jointe ci-dessous.

L’ouvrage d’Edward Palmer Thompson est un véritable chef-d’œuvre d’historiographie marxiste hétérodoxe. Le style antiacadémique et antidogmatique de l’ouvrage, son inspiration socialiste-romantique, son refus de simplification outrancière d’un processus complexe et sa description assez exhaustive d’une époque méconnue (1780-1832) peuvent compter au nombre des forces de cet ouvrage d’un millier de pages. La formation d’une classe ouvrière anglaise y est étudiée sous l’angle triple des mouvements politiques (républicanisme, radicalisme, luddisme, syndicalisme, jusqu’aux débuts du chartisme), du processus d’industrialisation capitaliste (caractérisation et conséquences) et des travailleurs (condition ouvrière et ses modifications, description de chaque groupe de travailleurs : ouvriers agricoles, artisans, tisserands), étant donné qu’il est impossible de comprendre son avènement sans comprendre ces trois phénomènes. L’ouvrage parvient remarquablement à saisir son objet, tout en restant plaisant à lire malgré sa longueur. Les passionnés d'histoire romantiques sans être pour autant antimarxistes adoreront.

Sur l'économie morale des émeutes populaires au 18ème siècle, du même auteur.

« Les observateurs conservateurs, radicaux et socialistes suggèrent la même équation : vapeur et filature de coton = nouvelle classe ouvrière. Les outils de production physique leur paraissent donner naissance (…) à de nouvelles relations sociales, de nouvelles institutions et de nouveaux modes de cultures. » P. 246

« Presque tous les phénomènes radicaux des années 1790 se retrouvent décuplés après 1815 […] Et, quand on évoque cette agitation populaire, d’un côté, et, d’un autre côté, le rythme spectaculaire des changements dans l’industrie cotonnière, il est naturel de supposer une relation directe de cause à effet. La fabrique de coton apparaît comme l’agent non seulement de la révolution industrielle, mais aussi de la révolution sociale, produisant non seulement davantage de marchandises, mais aussi le « mouvement ouvrier » lui-même. La révolution industrielle est maintenant convoquée en tant qu’explication. » P. 246

« Mais de nombreuses difficultés demeurent. L’industrie du coton fut sans aucun doute celle qui détermina le rythme de la révolution industrielle, et la filature de coton fut le modèle prédominant du système manufacturier. Cependant, rien ne nous permet d’établir une correspondance automatique, ou trop directe, entre la dynamique de la croissance économique et la dynamique de la vie sociale ou culturelle. Un demi-siècle après la « percée » de la filature de coton (aux environs de 1780), les ouvriers des filatures ne constituaient qu’une minorité de la main-d’œuvre adulte employée dans l’industrie cotonnière elle-même. Tout au début des années 1830, le nombre de tisserands sur métier à bras dépassait encore à lui seul celui de tous les hommes et femmes employés dans les fabriques de tissage et de filage de coton, laine et soie réunis. » P. 247-248

« C’est là un point important, car accorder trop d’importance à la nouveauté des filatures de coton pourrait nous conduire à sous-estimer la continuité des traditions politiques et culturelles dans la formation des communautés de la classe ouvrière. Les ouvriers d’usine, loin d’être les « aînés de la révolution industrielle, en furent les derniers-nés […] Le jacobinisme (…) prit racine très solidement parmi les artisans. Le luddisme fut l’œuvre de travailleurs qualifiés, rassemblés dans de petits ateliers. A partir de 1817 et jusqu’à l’époque du chartisme, les ouvriers à domicile jouèrent un rôle tout aussi important que les ouvriers d’usine dans l’agitation radicale. Et, dans beaucoup de villes, le véritable noyau qui fournit au mouvement ouvrier idées, organisation et direction se composait de cordonniers, de tisserands, de selliers, de bourreliers et autres libraires, imprimeurs, travailleurs du bâtiment ou petits commerçants. » P. 248

« Il n’en reste pas moins, toute précaution étant prise, que le fait dominant de la période 1790-1830 est la formation de « la classe ouvrière ». Cela apparaît, tout d’abord, dans le développement de la conscience de classe, la prise de conscience d’intérêts communs, propres à ces divers groupes de travailleurs et opposés aux intérêts des autres classes. Et, en second lieu, dans le développement des formes correspondantes d’organisation politique et industrielle. En 1832, il existait des institutions ouvrières conscientes solidement enracinées (…), des traditions intellectuelles ouvrières, des structures collectives ouvrières et une structure de pensée ouvrière. » P. 249-250

« La formation de la classe ouvrière relève tout autant de l’histoire politique et culturelle que de l’histoire économique. Elle n’est pas née par génération spontanée à partir du système de la fabrique. Et nous ne devons pas davantage nous représenter une force extérieure – la « révolution industrielle » - s’exerçant sur un matériau humain brut, indifférencié et indéfinissable, et produisant au bout du compte une « nouvelle race d’individus ». Les transformations des rapports de production et des conditions de travail propres à la révolution industrielle furent imposées non pas à un matériau brut, mais à l’Anglais né libre […] La classe ouvrière se créa elle-même tout autant qu’on la créa. » P. 250

La formation de la classe ouvrière anglaise - E. P. Thompson

Une présentation de l'ouvrage par Xavier Vigna, historien des ouvriers, et François Jarrige, excellent historien du luddisme

Le luddisme - Une armée de justiciers - 1ère partie du chapitre

Le luddisme - Une armée de justiciers - 2ème partie du chapitre

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